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Artificialisation des terres Ligne 18 Où en est-on ?

Révision des PLU d’Orsay et Saclay : réunion annulée en l’absence de réponses de l’EPAPS

La dernière enquête publique à Paris-Saclay se tenait lundi 12 juin, 19h à Orsay. Elle portait sur la mise en conformité des Plans locaux d’Urbanisme d’Orsay et de Saclay, dont le but est d’entériner la bétonisation de Corbeville, espace situé entre la ZAC Polytechnique et Moulon.

Nous nous sommes retrouvé.es devant les locaux de l’EPAPS lundi 12 juin, grangettes et banderoles sous le bras. Avant que la réunion ne commence, des membres du collectif ont pu lire un très beau texte, à télécharger ici. Des questions et interventions remettant en cause les projets de l’EPAPS ont commencé à fusé dans la salle. Refusant d’entendre les avis des participant.es et en concertation avec le maire d’Orsay, le directeur général par intérim de l’EPAPS a décrété la réunion annulée. Quelques photos et extraits sur notre fil Twitter. Merci à toutes celles et ceux présentes. On ne lâche rien !

Deux jours plus tard, le 14 juin 2023, on pouvait lire sur France 24 : « ​​​​​​​Longtemps, on a vécu comme des enfants gâtés en pensant qu’on n’allait jamais manquer d’eau », a déclaré M. Béchu, Ministre de la Transition écologiquepointant notamment du doigt une bétonisation trop importante. « Ces 50 dernières années, on a plus artificialisé les sols qu’en 500 ans » précisait-il.

N’en déplaise à M. Béchu, « on » n’a jamais pensé qu’on n’allait pas manquer d’eau. On l’a toujours su, on l’a vu venir, et depuis l’année dernière, maintenant que c’est là, en France, dans notre jardin, on commence à s’en inquiéter. Mais certainement pas à Paris-Saclay.

Le « cluster » du plateau de Saclay, c’est là où on bétonne le plus fort et le plus vite dans tout le Grand Paris, et le Grand Paris, c’est le plus grand chantier d’Europe.

Le mot cluster était tellement à la mode, il y a quelques années que l’expression « cluster scientifique » n’était pas du tout connoté COVID. Au contraire, ça promettait trop la « High-Tech » et l’« excellence ». On visait fort l’explosion de la recherche Française dans le classement Shangaï. Malheureusement, le projet est tellement périmé que même les Chinois ont abandonné ce classement. Comme quoi la « high-tech » a au moins réussi l’exploit d’être obsolète avant même d’avoir terminé la construction de ses labos.

Ce qui est sûr, c’est qu’on a un vrai « cluster sanitaire ». À Paris-Saclay, on ferme les hôpitaux des vallées pour en construire un « nouveau » dans une « nouvelle » ville qui n’existe pas encore. Mais promis, ce sera super mieux.

Paris-Saclay donc, le rendez-vous, c’était le 12 juin à 19h à Orsay.

On était un peu dubitatif⸱ves, pour dire la vérité. La concertation façon Paris-Saclay, on sait déjà ce que ça donne. Ça fait 17 ans qu’on en mange. C’est un peu comme le béton armé, ça fait mal aux dents quand on pense que c’est comestible.

Dans la salle, de belles maquettes sont exposées, très jolies. Tout plein de petites boites blanches partout, pour symboliser les immeubles dans les (futurs anciens) champs. D’ailleurs, c’était ça, LA question, ce 12 juin : la hauteur maximale des boîtes. L’aménageur trouvait que finalement, 7 étages, c’était un peu petit. Il en aurait bien rajouté encore deux ou trois. Avec notre permission, bien sûr – ou pas, en fait – Mais en tout bonne concertation.

Donc on est venu avec des banderoles, des flyers, des stickers, des grangettes. Les grangettes, c’est pour se souvenir des granges et des cabanes en bois construites sur le plateau, symboles de l’opposition au projet qu’on nous présente. C’est sûr que ça faisait tache dans le paysage « démocratique » local. C’est vrai qu’il y a la ZPNAF, le CEA, un tas de choses un peu dangereuses. On n’avait pas trop le droit de construire des cabanes, à cet endroit. Non, la plaine de Corbeville, c’est quand même beaucoup mieux pour urbaniser. Mais alors là, massivement.

Le problème avec la concertation façon Paris-Saclay, c’est le niveau de désinformation. On a commencé par expliquer aux participants en détail tout ce qu’on en pensait, parce qu’on a eu le droit de parler, et qu’on l’a fait pour dénoncer toute la gabegie de ces projets. (Texte du début à retrouver ici)

Ensuite on a eu M. le Directeur de l’EPAPS (et son équipe).

M. Le Directeur n’a pas trop aimé les grangettes, mais il a rien dit. M. Le Directeur n’avait pas de micro dans cette si belle salle, certainement il devait être obsolète, lui aussi.

M. Le Directeur n’a pas du tout aimé qu’on déploie une banderole derrière lui. Mais le vrai problème, c’est que M. Le Directeur avait bien du mal à répondre aux questions. Ce n’était pas des questions invraisemblables, pourtant. Par exemple, quelqu’un s’inquiétait du bilan carbone de cette affaire.

M. Le Directeur a ouvert le bal avec trois mensonges en 30 secondes. La troisième fois qu’on l’a repris, il a décidé que la réunion de concertation était annulée. Et que c’était nous, les méchant⸱es habitant⸱es et activistes, qui étions responsable de détruire la démocratie. À bien y réfléchir, on n’est pas sûr⸱es qu’on avait envie d’être gentil⸱les.

Reprenons les propos de M. Le Directeur :

A) « Tout est fait pour les étudiants »

B) « C’est la procédure, c’est la démocratie »

C) « le bilan carbone, il sait pas exactement, mais c’est super »

A) « Tout est fait pour les étudiants »

En réalité, les étudiant⸱es ne sont pas content⸱es d’être à Saclay. Il suffit d’aller parler aux élèves de Grignon (Agroparistech) qui ont bloqué leur campus pour surtout ne pas venir à Saclay. On a rencontré des prof⸱fes en pleines dissonances cognitives, des élèves en dépression complète. Non seulement on ne peut pas se déplacer correctement, mais on ne peut même pas trouver et acheter à manger pour survivre. Cerise sur le gâteau, les logements il y en a dans-le-futur… mais pas aujourd’hui. Actuellement, il en manque 10 000 pour les étudiant⸱es. Et encore, on n’a pas parlé des mal-façons hurlantes dans les locaux existants.

B) « C’est la procédure, c’est la démocratie »

Cette réunion et la concertation découlent certainement d’une procédure légale – mais pour l’exercice de la démocratie il faudra repasser. En 2006, rappelez-vous, il y avait « seulement » eu 25 % des avis falsifiés par le Rapporteur Public. Et oui, on était passé de 70 % d’avis négatifs à « une majorité de personnes favorables au projet ». En fait, on sait pas trop qui était d’accord – sinon les personnes sommé⸱es par leurs hiérarchies de l’être. Cette réunion de concertation, de notre point de vue, n’est donc certainement pas de la démocratie. En fait, ça ressemblait bien plus à un sketch, une farce, une mascarade.

C) « le bilan carbone, il sait pas, mais c’est super »

On ne sait pas comment M. Le Directeur fait pour ne pas savoir, alors que nous, simple habitant⸱es, le sommes, donc on va devoir le répéter encore une fois :

Le cabinet d’étude Carbone 4 a fait une communication sur ce qui se passe à Saclay, à travers leur porte-parole M. Jean-Marc Jancovici. C’était une communication très claire : la Ligne 18, il vaut mieux pas la faire du tout, niveau carbone.

Il y a pas si longtemps, JMJ est revenu faire une conférence dans le coin, et il avait pas vraiment l’air de dire que c’était trop la fête.

Après tout ça l’ambiance dans la salle était un peu chaude. « Effervescente », on pourrait dire, comme une belle plaquette de médicament des psys. On a ouvert la porte pour aller prendre l’air, on a monté un escalier et là, on est tombé sur une chose fabuleuse : Paris-Saclay avait installé des ruches sur son toit. Trop écolo, M. Le Directeur ? Pour être précis, il y avait une unique ruche, et deux espaces dédiés sur les balcons. Celle dans l’autre espace prévu, manifestement n’était plus là.

Il faut dire que cette ruche restante était quasi-vide, avec un paillasson sous l’entrée pour ramasser les abeilles mortes. Mais il y en avait tellement, des abeilles mortes, qu’il en restait plein autour dans les graviers. Et même sur le paillasson. Pourtant, cette ruche, ils doivent s’en occuper aux petits oignons. Deux caméras de surveillance pour elle toute seule, et un super prestataire avec sa pub marketée sur la ruche : « La Relation Client à Valeur Ajouté ». On n’aurait pas pu l’inventer.

Le souci, c’est qu’une ruche et ses abeilles vont chercher leur nourriture à 3 km à la ronde. Et là, il y a l’Établissement Public Paris-Saclay qui aménage. Force est de constater que ce nouvel environnement est mortel pour ces abeilles.

« Regardez tous les progrès qui ont été accompli ici », disait M.Macron en janvier 2021 à Paris-Saclay, pour annoncer en grandes pompes le plan quantique.

Il semble que M. Macron n’ait pas remarqué les progrès de la recherche en matière d’écologie. Il faut dire, il n’est pas le seul. Cela fait environ 5 décennies que nos décideurs occultent les travaux réalisés par des milliers de scientifiques à travers la planète. Pour M. Macron, les progrès consistent donc à laisser la science sur le paillasson, et s’assurer que l’ancien monde extractiviste continue à couler son béton en toute tranquillité.

En 2006, l’Autorité Environnementale avait conclu que les études sur la biodiversité étaient tellement lacunaires que les joindre au dossier d’enquête publique était peu ou pas utile. Du moins, c’était son avis, parce que l’Autorité Environnementale ne décide pas. On la consulte, et puis plus rien. Le résultat est dramatique (lire le dossier sur les Continuités écologiques du plateau de Saclay datant de juin 2023). Les caméras de l’ancien monde refusent de voir la vérité en face, elles ne voient toujours pas les abeilles mourir.

Il est plus que temps de se réveiller. Ce projet n’est pas démocratique, c’est un cancer pour le vivant, il est néfaste pour les humains. Tous⸱tes ensemble, bloquons la ligne 18 et son monde.

Notre appel en amont

Une énième consultation sur la bétonisation du plateau de Saclay, organisée par l’Etablissement Public d’Aménagement Paris Saclay (EPAPS) a débuté lundi dernier. Elle actera la transformation en ville de la frange sud du plateau entre Moulon et Corbeville : construction d’une gare de métro aérienne, d’un grand centre hospitalier, ainsi que d’un échangeur routier. Le tout au détriment de près de 100 hectares de terres agricoles exceptionnelles, considérées par les agronomes de la SAFER comme les meilleures du plateau de Saclay, à préserver absolument selon eux.

Rafraîchissements de mémoire

Souvenons-nous de l’opposition des populations à ce projet, exprimée massivement à chaque enquête publique, à Saclay comme à Orsay, notamment en 2018.

Souvenons-nous des promesses de M. le Maire d’Orsay, qui réfutait vigoureusement le terme de « ville nouvelle », car le projet disait-il serait ultra-écologique.

Souvenons-nous des « lisières », ces larges espaces arborés qu’on allait préserver entre ville et campagne, pour permettre aux citadins de passer de l’une à l’autre sans choc excessif.

Souvenons-nous de la pollution de la friche industrielle Thalès de Corbeville : mercure, plomb, chrome, nickel, hydrocarbures, solvants, PCBs, composés organo-chlorés… : le site a-t-il été dépollué ? Si oui, où sont les rapports de dépollution ? Et pourquoi, si le site est dépollué, ne construit-on pas en toute priorité sur ces surfaces déjà artificialisées pour réduire la consommation de terres agricoles ?

Et pour le projet architectural : une fois encore, nous aurons droit à l’éternel powerpoint déroulant ses rêves de synthèse, où, sous un ciel bleu inoxydable, des playmobils extatiques arpentent des allées éternellement verdoyantes.

Pourtant, la fin de l’histoire, elle est déjà sous nos yeux, à Moulon comme à Polytechnique : un chaos de voitures errant entre des empilement de cubes sans âme, tristement alignés le long d’avenues minérales, où les quelques herbacées qui ont survécu à la canicule finissent de jaunir sur d’immenses dalles de béton et de pierre.

Stop ou encore ?

Personne n’est plus dupe aujourd’hui. Les enquêtes publiques n’ont pas pour objet de remettre en cause ni même de définir un projet d’aménagement. Comme Frédéric Graber l’explique dans son livre « Inutilité publique », aux yeux de l’administration, l’utilité publique (et plus encore « l’Intérêt National ») ne renvoie pas à l’idée générale de bien commun, mais prend un sens bien plus spécifique : c’est un principe au nom duquel il est juridiquement possible de transformer l’état du monde – y compris si les populations doivent en subir les conséquences, le tout au bénéfice de quelques-uns.

Car nous savons tous que le but final de cette consultation, comme des précédentes, n’est pas d’ouvrir un débat. L’enquête publique n’est pas un moment de démocratie, mais la matérialisation de la mort de celle-ci. L’État, à la fois juge et partie, fixe les termes et le cadre de l’expression du désaccord, refusant toute option divergente ou la remise en cause du projet.

Quand bien même nous nous prêterions à leur jeu, ils méprisent nos avis : lors de l’enquête publique de 2016 sur la ligne 18, un quart des avis ont été falsifiés. À titre d’exemple, un avis finissant par « j’émets donc un avis défavorable » a été classé comme favorable par la commission d’enquête. À l’issu du retraitement de ces 4481 contributions, 70,2% contestaient l’utilité publique du projet de métro ligne 18…

Nous respectons le travail des associations et bénévoles qui malgré tout analyseront scrupuleusement toutes les pages du dossier pour trouver quelques arguments susceptibles de réduire un peu l’étendue du désastre. Ils sont les premiers à savoir que leur travail est désespéré.

Mais ce déni constant de démocratie appelle une réponse forte, politique, à la mesure de la violence technocratique qui s’exerce sur nous. Ne nous laissons pas tromper une nouvelle fois par cette mascarade.

En tant que collectif contre la ligne 18 et l’artificialisation des terres, nous appelons donc au boycott de cette consultation et exigeons un moratoire immédiat sur l’ensemble des aménagements du plateau et sur la construction de la ligne 18.

Nous réclamons des mesures fortes pour préserver la vocation agricole du plateau de Saclay, et le soutien au développement d’une agriculture paysanne, nourricière et respectueuse du vivant. Nous appelons à la création sur le plateau et notamment à Corbeville, de mille fermes et granges paysannes dont nous apporterons Lundi une maquette à l’intention des concepteurs.

Le rendez-vous

Rendez-vous lundi 12 juin à 18h30 devant l’EPAPS, 6 boulevard Dubreuil à Orsay (proche de la gare RER d’Orsay Ville)
Casseroles, instruments de musique, grangettes, affiches… tout est bienvenu pour dire stop au bétonnage sans fin du plateau de Saclay !
Pour celles et ceux qui voudront entrer, s’inscrire via la page officielle de la consultation