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Ligne 18 Où en est-on ? mobilisation Revue de presse

Relaxe pour les activistes en procès !

En procès pour avoir déployé une banderole au sommet d’une grue, Api et Léo, soutenus par le Collectif contre la ligne 18, ont été relaxés le 25 janvier.

Le délibéré est tombé ce mercredi 25 janvier 2023 : les deux militants de Saclay membres d’Extinction Rebellion et du Collectif contre la ligne 18 qui avaient déployé une banderole en haut d’une grue sur le plateau de Saclay ont été relaxés. Le Collectif contre la ligne 18, qui a soutenu les activistes en procès, se félicite de cette relaxe.

Le 15 octobre 2021, Api et Léo avaient été menés en garde à vue puis cités à comparaître pour « opposition par voie de fait ou de violence à l’exécution de travaux publics ou d’utilité publique ». Le procès, une première fois reporté en avril 2022, avait finalement eu lieu au tribunal judiciaire d’Evry le 13 janvier 2023. Il est résumé ici et a été couvert par la presse (Libération, Le Parisien, Actu Essonne et Radio Parleur). Les militants s’exprimaient avait et après l’audience dans cette vidéo.

L’acte reproché ? Avoir déployé une banderole « SOS STOP L18 » sur une grue dans un chantier à proximité du campus de l’ENS Paris-Saclay afin d’alerter ses personnels et étudiants au sujet de l’urbanisation du plateau de Saclay. Les activistes étaient descendus de la grue de leur plein gré moins de deux heures après et aucune dégradation n’avait été commise (lire l’interview d’un des militants).

Parmi les derniers territoires agricoles d’Île-de-France, le plateau de Saclay a déjà perdu ces dernières années 400 hectares de terres sous le béton et la construction de la ligne 18 du Grand Paris Express accélérerait le phénomène. Au total et à moyen terme, 2300 hectares de terres nourricières sont menacées, faisant fi de leur excellent rendement (récemment rappelé par les agriculteurs locaux).

Dans toute l’Île-de-France, les projets de la Société du Grand Paris, avec ses lignes de métro au milieu des champs (lignes 17 nord et 18 ouest), sont conçus comme des vecteurs d’urbanisation au service d’une spéculation foncière et immobilière effrénées. Un collectif de personnalités a récemment appelé à classer ces terres agricoles, parmi les plus fertiles d’Europe, au patrimoine mondial de l’Unesco. Une grande marche, Terminus Saclay, avait suivie en octobre dernier.

À l’heure de l’augmentation des tarifs du pass Navigo et face aux dégradations du service dans les transports du quotidien pour les franciliens, il est important de rappeler le coût monstrueux (5 milliards d’euros) de la ligne 18 du Grand Paris Express, projet de métro tout automatique et grande vitesse qui ne répond pas aux besoins réels des usagers comme le souligne régulièrement l’Association des Usagers des Transports en Île-de-France présidée par Marc Pélissier. Des milliards d’euros qui pourraient être bien mieux investis dans la rénovation des transports existants ou dans des structures plus légères et moins néfastes pour les terres agricoles et la biodiversité.

Le blocage du chantier a duré deux heures, les terres artificialisées seront perdues à jamais. La justice poursuit des lanceurs d’alerte alors que ce sont l’État et ses représentants qui devraient répondre de leurs actes, ceux-là mêmes qui, en pleine crise climatique et sociale, font preuve d’un total déni de démocratie. Le Collectif contre la ligne 18 dénonce la criminalisation des activistes qui se généralise. À Saclay, le combat contre la ligne 18 et l’artificialisation des terres n’est pas terminé.

Revue de presse

Lettre d’Api

En réaction à la décision de relaxe, voici ce qu’a écrit Api, l’un des deux militants poursuivis. Cette lettre a été publiée sur lundimatin.

Nous ne sommes pas en sécurité à obéir

Les premiers mots de la Cour ont été ceux-ci : « ici on ne fait pas de politique, on établit des faits ». C’est une remarque qui a déjà été entendue lors d’autres procès d’activistes. Par exemple, lors du procès de l’action contre Blackrock – et certainement dans de nombreux autres.

Cette affirmation est discutable. En réalité, nous aussi, nous aimerions ne pas faire de politique.

Lorsque Isaac Newton voit une pomme tomber de l’arbre et en construit sa théorie sur la gravitation universelle, il ne fait pas de politique. On peut mesurer laforce de l’attraction terrestre, on peut mesurer une constante universelle de gravitation : 6,67 × 10 −11 m³.kg −1 .s −2 On peut discuter avec la pomme autant qu’on veut, on peut négocier avec elle autant qu’on veut, mais si on la lâche, elle tombe – et cela, quelque soit le résultat des négociations ou de la politique qu’on a pu mettre en
place avec elle.

Lorsque les rapports du GIEC mesurent que les risques de chaos climatique au-delà de 1,5 °C sont trop graves pour qu’on provoque ce genre de réchauffement, on peut faire autant de politique qu’on veut, mais le résultat sera exactement le même. Lorsque les résultats de l’IPBES mesurent l’effondrement de la vie sur Terre, on peut parler autant qu’on veut avec les oiseaux morts pour les convaincre de voter à gauche ou à droite, malheureusement, iels restent mort.e.s.
Une réaction saine à ces études serait de mettre en place des normes de sécurité pour se protéger des conséquences mesurées.

Lorsqu’on monte dans une grue, on regarde la résistance du matériel qui nous tient en vie en cas de chute. Quelles forces de choc peuvent encaisser la corde, le baudrier, les mousquetons ? Ce sont des normes de sécurité qui sont définies et qui doivent être respectées.
Si on me donne un cheveu en guise de corde pour m’attacher en haut d’une grue, je n’y monte pas. Ce n’est pas de la politique. Simplement, je ne suis pas suicidaire, et je souhaite vivre encore longtemps. Si je fais une connerie, je peux tomber, donc j’ai une sécurité.
La différence avec la Terre, c’est qu’on est beaucoup plus certain de la chute.

Lorsqu’un gouvernement décide de réaliser des projets qui vont complètement à l’encontre des préconisation des scientifiques, comme c’est le cas avec la ligne 18 à Saclay, c’est comme si on décidait d’attacher la sécurité du territoire et de la Terre avec un cheveu à la place d’une corde.
Lorsque le gouvernement (ou une entreprise) se targue d’avoir accroché non pas un mais deux cheveux en guise de sécurité, cela s’appelle du greenwashing. de l’obscurantisme – ou une provocation.
Mais on peut aussi appeler ça : « un suicide collectif ».

Cependant, encore une fois, je ne suis pas suicidaire. Je ne souhaite pas que l’on m’impose un suicide collectif. Par conséquent, je ne vais pas suivre cette direction, cette petite vie tranquille, et je me rebelle chaque jour contre elle , avec la volonté de sauver le maximum de monde de ce suicide collectif.

Que ce soit Extinction Rébellion, le Collectif contre la Ligne 18 ou encore les Soulèvements de la Terre qui co-organisaient l’événement d’octobre 2021, ces entités ne sont pas partisanes. Nous essayons simplement de dire la vérité – et d’être entendu.es.
À Saclay, nous défendons le fait scientifique. Il n’est pas question de négocier avec le résultat des études, de trafiquer des coefficients d’un rapport à l’autre, de passer sous silence l’avis des citoyen.ne.s et des associations, ou les dégâts déjà observés et observables. Il s’agit simplement d’être honnête, de ne pas se mentir.

Lorsque M. Macron souffre d’amnésie au point de se demander : « Qui aurait pu prédire la crise climatique ? », je m’inquiète de sa santé. Cette amnésie est grave, je me souviens encore l’entendre dire « Make our Planet Great Again ». Peut-être n’est-il pas en bonne santé. Peut-être même n’est-il déjà plus en état de gouverner ? Cette question n’est pas posée dans un cadre politique. Elle repose sur une interrogation de diagnostic médical.

Que ce soit les mesures et les conclusions de scientifiques apolitiques, les verdicts des Cours de justice apolitiques, ou un diagnostic médical apolitique, tout cela rentre en réalité bel et bien dans le champ politique. Disons que cela a des conséquences politiques.

Amener des activistes devant une Cour de justice et les menacer de prison au motif d’avoir installé une banderole dans une grue a bel et bien des conséquences politiques. Cela, que ce soit voulu ou non par la Cour.
Je n’ai jamais voulu faire de politique, et certainement pas en sortant d’études en écologie où on m’annonçait un futur catastrophique. J’espérai simplement pouvoir appliquer dans mon travail les résultats d’un fait scientifique établi. Malheureusement, nous en sommes encore à faire de la politique avec la pomme, à lui demander de bien vouloir faire tomber les bulletins dans l’urne à gauche ou à droite, à bien vouloir léviter, parce que là, l’économie et la finance trouvent que ça
coûte trop cher de la tenir à bout de bras, et les 1,5 °C on les aura certainement déjà en 2030.
Si le fait scientifique n’arrive pas à trouver une prise et à entraîner des conséquences dans le champ politique, alors il est inconcevable d’imaginer une humanité prospère, ni aucune trajectoire d’aucune entreprise, d’aucune institution, d’aucun pays ou continent qui mène à autre chose que l’effondrement.

Cela fait des décennies que les méthodes institutionnelles patinent en écologie. Nous ne savons pas ce qu’il faut faire pour que les faits scientifiques prennent enfin prise dans la réalité politique.
Contraint.e.s par la situation, nous, activistes, tentons d’autres méthodes – en dehors du cadre, par nécessité de survie.
Aujourd’hui la justice a décidé la relaxe pour cette action. Remercions-en là. C’est une chance qu’il reste des garde-fou à la folie dans ce pays. Mais pour combien de temps encore ? L’urgence est partout, et le gouvernement s’acharne à nous barrer la route. Il n’est plus l’heure d’obéir. Nous ne somme pas du tout en sécurité à obéir.
Nous sommes en danger.